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In memoriam ! Bent Larsen (1935-2010)


C'est le 9 septembre dernier qu'une légende des échecs s'en est allé, à l'âge de 75 ans, Bent Larsen, l'ancien grand espoir occidental qui avait fait trembler les soviétiques, dans les 60, est décédé. Nous allons donc revenir sur sa carrière exceptionnelle, qui aura marqué l'histoire des Echecs.

Le jeune Bent Larsen se distingue d'abord en dominant outrageusement le championnat du Danemark, avec 8 points sur 9, en 1956, reléguant ses adversaires à 3 points. Mais c'est surtout lors des Olympiades de Moscou, qu'il réalise un exploit en terminant médaille d'or sur le premier échiquier ! Déjà, contre Karl Robatsch, le jeune danois montrait un style original qui fera sa marque de fabrique !

Il confirmait sa superbe olympiade en terminant second, au départage, derrière Gligoric, au célèbre tournoi de Hastings qui clôturait l'année 1956.


Sa victoire contre Szabo illustrait, une nouvelle fois, l'originalité de son jeu !


L'année 1957 se révélera un petit peu décevante, le danois, invité au Tournoi de Dallas, terminera en milieu de tableau, alors qu'un autre nordique, Ingmar Bergman, filmait, la même année, une curieuse partie d'échecs, dans son Septième Sceau.

Si l'année 1958 s'ouvre sur une belle victoire à Mar del Plata, d'où les soviétiques sont absents, le jeune danois, pour son premier super-tournoi, l'Interzonal de Portoroz, va bien déguster face à l'armada soviétique et contre un certain Mikhail Tal, qui détruira la Sicilienne de Larsen et gagnera le tournoi !

Mais lors de ce tournoi, proche du chemin de croix, le facétieux Bent, va faire tomber un certain Tigran Petrosian avec l'ouverture ...Bird !!

Aux Olympiades de Munich, ça se passera un peu moins bien qu'à Moscou, et Larsen tombera contre un certain César Boutteville, qui vient de finir son énième championnat de France, à Belfort, à l'âge de 93 ans, et qui en 1958, avait maté le danois !

L'apprentissage du très haut niveau ne se fait donc pas sans mal, pour le jeune Larsen, qui finira avant-dernier, derrière tous les ténors soviétiques, en 1959, lors du Mémorial Alekhine ... Dur, dur d'être un joueur occidental, en ces temps de domination soviétique sur l'échiquier et dans l'espace !

Mais c'est dans la défaite que se révèle les grands joueurs, et Bent, animé par son amour des échecs, continue à pousser du bois ! En 1961, il ouvre son compteur de victoire en triomphant au Pays-Bas, au tournoi de Hoogovens, devant Borislav Ivkov, le joueur yougoslave, qui sera le client favori du danois ! J'aime beaucoup cette partie contre Gruenfeld, qui illustre les conceptions hyper-modernes de Bennie !

Mais c'est surtout lors de l'Interzonal d'Amsterdam, en 1964, que Larsen rentrait dans la cour des grands, en finissant second, au départage, derrière Vassily Smyslov.

Le danois se payait même le luxe de faire trébucher Boris Spassky avec sa Bird ...un luxe qu'il ne réitèrera pas très souvent, contre le futur champion du Monde !

C'est à Borislav Ivkov qu'il sera donc confronté, à Bled, pour le quart-de-finale des Candidats. Le yougoslave, qui venait juste de gagner le tournoi de Zagreb, loin devant le danois, qui, peu en forme, avait pris 5 bulles contre les 5 premiers, et qui s'était fait gravement fesser par Arthur Bisguier, sur une féroce attaque Autrichienne !

Mais durant toute sa carrière, Larsen fut un spécialiste des montagnes russes, écrasant, parfois, la concurrence, et le lendemain, ratant totalement son match ou son tournoi ! Mais le danois, malgré un tournoi pas terrible à Zagreb, va, à Bled, dominer son adversaire qui jouait à la maison ! Bennie, lors de la 8eme partie, se permet de jouer l'hétérodoxe défense Alekhine, contre le champion yougoslave.


Reléguant Ivkov à 2 points, c'est au monument Tal, que Larsen va jouer sa demi-finale des Candidats, mais contre le "Magicien de Riga", ça sera une autre affaire ! Si lors de la première ronde, le danois remporta la mise, le letton égalisera immédiatement ! Match très serré, mais lors de la 10eme et dernière ronde Tal va porter l'estocade, et remporter le match par +1 !

En 1966, le danois se refait la cerise en gagnant le tournoi du Havre, en

l'honneur duquel La Poste, sort un timbre échiquéen, devant un jeune espoir soviétique, Lev Polougaïevsky !

Mais l'événement de l'année, se jouera à Santa-Monica, avec la Piatigorsky Cup, qui revoit le retour de l'enfant terrible des échecs américains, Bobby Fischer ! Le super-tournoi fut gagné par Spassky, devant Fischer, Larsen, 3eme, réussit l'exploit de battre Bobby !

1967, sera l'année Larsen, puisque le danois va gagner trois super-tournoi dont l'Interzonal de Sousse !

Si Bent commence doucement l'année, en finissant 4eme en 2,5 points de Spassky, lors du tournoi de Hoogovens, qui ouvrit la saison échiquéenne, il va effectuer un superbe Memorial Capablanca, à La Havane, en relèguant Taïmanov à 1,5 points. Si le danois n'eut pas la chance, comme Fischer, de jouer contre Fidel,


Gligoric, lui, prit une sacrée tanée !

Le danois se s'arrêta pas en chemin, et gagna le tournoi de Palma de Majorque, devant Botvinnik et Smyslov.

Le pauvre Borislav Ivkov, se fit encore une fois exploser par le danois !

Mais le sommet de la carrière échiquéenne du danois, fut son éclatante victoire à l 'Interzonal de Sousse, où il relégua le second, un certain Viktor Korchnoi, à 1,5 points !! Si le danois ne fit qu'un point sur 4, contre ses poursuivants, il fit un véritable carnage, derrière, notamment en finale ! Larsen fut souvent coutumier du fait. Son style un peu exotique avait parfois du mal à passer, contre les meilleurs mondiaux, mais sa combativité et sa créativité firent des ravages, contre les joueurs un peu moins forts !

Le président historique de l'Echiquier du Roy René, Mr Georges Maury, avait eu du nez, puisqu'il avait invité le champion à venir faire une simultanée à l'hôtel du Roy René, à Aix en Provence !

Sur sa lancée, le nordique va battre, en quart de finale des Candidats, à Porec, l'espoir hongrois, Lajos Portisch, en remportant la 10eme ronde, avec une ouverture larsenienne !


Mais à Malmö, en 1968, Spassky, bête noire du danois, ne lui laissa aucune chance ...gagnant les trois premières rondes, avance qu'il garda jusqu'à la fin du match !

Le danois échouait encore en demi-finale des Candidats !

Bent se rattrapa à Monaco, en gagnant le tournoi devant Botvinnik et Smyslov !

En 1969, il récidiva au tournoi de Palma, en gagnant devant Petrosian, Korchnoi et Spassky, apparaissant comme le seul grand rival des soviétiques en Occident. Unzicker, le champion allemand, s'en souvient encore !

En 1969, pour le nouveau cycle vers le titre mondial, Larsen prend se revanche contre Tal, à Eersel, en gagnant largement son match, par +3, contre le "Magicien de Riga" ! Pourtant, ce ne sont pas les sacrifices "taliens" qui ont manqué !

Sur sa lancée, le danois remporte brillamment le tournoi de Büsum, devant le jeune Lev Polougaievsky, Bobotsov s'en souvient encore !

L'année suivante, lors du match entre l'URSS et le reste du monde, alors que Fischer, fair-play, lui a laissé le premier échiquier, évitant un incident diplomatique, Larsen perd contre Spassky

Sur un début Larsen !! Comme quoi les facéties échiquéennes du danois, si elles passent contre des joueurs plus faibles, ne font guère florès contre le Top 10 mondial ! Cette partie du champion du Monde soviétique, est un petit bijou de miniature !

A Lugano, il termine premier, en enfumant Robert Byrne.


Il récidive à Vinkovici, même s'il se fait enfumer par Laszlo Szabo, le local du tournoi.

Il y a, chez le danois, une telle hétérodoxie dans son jeu, que tout devient possible sur l'échiquier, des victoires comme des ...défaites, éclair ! L'Olympiade de Siegen en sera l'exemple le plus parfait !


Lors de la 4eme ronde, Larsen miniaturise le champion libanais Sursock Sameer, en 13 coups,

Sursock, S-Larsen, B, Siegen Ol (4) 1970, 0-1.

Les Noirs jouent et gagnent.


Mais contre Lajos Portisch, les "larseneries" ne passent pas et le danois se fit "goulasher" par le champion hongrois !


Toujours ce jeu sans concession du danois, qui lui fait tutoyer les sommets et parfois redescendre brutalement, de son piédestal, suite à ses innovations dans les ouvertures, efficaces contre les petits grands-maîtres, souvent stériles contre les joueurs du TOP 10, ce que démontrera son tournoi de Palma de Majorque en 1971, où il se prendra 5 bulles contre les 5 premiers ! L'Interzonal de Palma, en cette année 1970, consacre la supériorité écrasante d'un Fischer, qui finit avec 3,5 points d'avance sur son second, Bent Larsen. Super Bobby ne perdit qu'une seule partie contre ...Larsen !! Le cycle des Candidats pour le titre suprême commença à Las Palmas, pour le danois, où il vitrifia l'allemand Uhlmann sur un score de +4 =3 -2, avec une 6eme ronde dans laquelle le teuton fut victime de quelques rayons X ! Les Noirs jouent et gagnent. Uhlmann, W (2580)-Larsen, B (2660), CAND Las Palmas 1971 (6), 0-1. Le grand rendez-vous de l'année, pour le danois, se passera à Denver, contre Robert Fischer qui venait de pulvériser le pauvre Taïmanov sur le score de +6 !!

L'américain partait favori, menant 5,5 à 2,5 contre Larsen, mais personne ne pouvait s'attendre au festival fishérien qui allait illuminer l'échiquier !

Dès la première partie, le 6 juillet 1971, Bobby allait exploser la Française du danois !


L'énergie créatrice du champion nordique, ne suffit pas à déstabiliser un Fischer au sommet de son art, qui contrôlait parfaitement les arabesques tactiques de son adversaire et, tel le cobra, frappait au bon moment ! La dernière partie du match, alors que l'américain menait 5 à 0, illustre bien le désarroi du danois, qui, tentant le tout pour le tout, ouvrit avec l'ouverture Bird ...Bobby châtia encore une fois son impudent adversaire, sur cette ligne peu usitée à ce niveau ! 6 à 0, le calvaire du danois était fini, et la route vers les étoiles s'ouvraient pour l'américain ! Certains joueurs ne se sont jamais relevés d'une telle déroute, je pense à Taïmanov, Larsen, lui, inoxydable dans sa foi échiquéenne, refera parler la poudre en 1972, en gagnant le tournoi de Teeside, devant Ljubojevic et Portisch, et en montrant à quelques jeunes ambitieux comme l'espoir hongrois Gyula Sax, qu'il n'était pas encore fini ! Il terminera en beauté cette année 1972, en remportant le célèbre tournoi de

Hastings, avec un Brian Elay, victime expiatoire de la fureur larsenienne !

A l'Interzonal de Leningrad, en 1973, il finit loin derrière le duo Karpov/Korchnoi, mais, 6eme, devance encore des pointures comme Tal ou Gligoric ! Contre Radulov, le danois montra qu'il n'avait pas perdu la main, tactiquement parlant !


Les Blancs jouent et gagnent.

Larsen, B (2620)-Radulov, I (2510), Iz Leningrad 1973 (2), 1-0.

Larsen se montrait toujours aussi féroce sur l'échiquier, en remportant le tournoi de Manille avec 12,5 sur 15 et 11 victoires !!

Le style exotique du danois fonctionnait toujours à merveille contre les "faibles" joueurs, qui ne pouvaient se retrouver dans des schémas balisés ...Une petite miniature contre Renato Naranja qui connut son heure de gloire à l'Interzonal de Palma, en 1970, en annulant contre Fischer, Smyslov, et en gagnant Reshevsky !

A Las Palmas, en 1974, le danois fit encore un véritable carnage dans la deuxième partie du tableau, avec 8 sur 9 mais n'arrive qu'à 1,5 points sur 6 contre les premiers, ne terminant qu'à la 7eme place, à 1,5 points du vainqueur, Ljubojevic. Toujours aussi créatif, sur l'échiquier, il arrive à embrouiller le jeune Zoltan Ribli dans des passes tactiques dont Larsen avait le secret !

A Stockholm, en 1975, le danois perd son match contre l'espoir suédois Ulf Andersson, sur le score sévère de 5,5 à 2,5. La nouvelle génération dirigée par Karpov, semble devoir reléguer le danois au musée des antiquités ...Mais, comme toujours, Larsen rebondit encore une fois, en 1976, en créant l'exploit de remporter l'Interzonal de Biel, devant une meute d'anciens champions du monde soviétique !

La petite combinette finale contre Liberzon illustrait, encore une fois, les beaux restes de Bent !

Mais à Rotterdam, devant le jeune Lajos Portisch, pour son énième match des candidats, en 1977, le danois s'inclinera sur le score sans appel de +3 pour le hongrois.

Mais l'infatigable Bent, se permit, malgré tout, de gagner le tournoi de Genève, en 1977, devant la jeune génération incarnée par Andersson et Timman, et il remit le couvert peu après, à Ljubljana/Portoroz, avec un roi fort belliqueux, contre Jelen !


En 1978, il remporte le fort tournoi de Lone Pine, ogoff en sait quelque chose !


Les Blancs jouent et gagnent.

Larsen, B (2620)-Rogoff,K (2520), Lone Pine op 1978 (9), 1-0.

Mais on ne peut pas être et avoir été ...Au tournoi des Etoiles de Montréal, en 1979, Larsen termine bon dernier d'un tournoi gagné par Karpov. La seule consolation du danois aura été de battre sa bête noire, Boris Spassky ! Sur 42 rencontres entre les deux hommes, le score restera terrible pour le nordique avec +6 = 17 -19 !!

La victoire au super-tournoi de Buenos-Aires, en 1979, véritable exploit pour le danois, fut un peu son chant du cygne, avec une nouvelle victoire contre Spassky !

7eme à l'Interzonal de Riga, celui qui aura gagné 3 tournois interzonaux, met définitivement en berne ses ambitions mondiales.

L'année 80 s'annonça mal, avec une dernière place au tournoi IBM d'Amsterdam, avec une grosse tôle contre le champion du Monde, Anatoly Karpov !

Larsen est-il bien fini ? Et bien non !!! Puisqu'il remportera, la même année, le super-tournoi de Buenos-Aires, devant Karpov and co ! Incroyable Bent, qui tutoie les abysses et les sommets échiquéens !

Trouvez-vous le coup qui mettra fin immédiatement à sa partie contre Browne ?

Les Blancs jouent et gagnent.

Larsen, B (2585)-Browne, W (2540), Buenos-Aires 1980, 1-0.


La carrière du danois est désormais vraiment derrière lui. 3eme à Linares, en 1981, 7eme à Bugojno, tournoi gagné par un certain Kasparov, qui lui placera un 25.Tc6 !?, à la Larsen !!

1982, dernier du tournoi de Tilburg, 1983 dernier du tournoi de Linares, Bent accrochera, une dernière fois, une place d'honneur, au super-tournoi de Niksic, deuxième derrière Kasparov, avec une super-partie contre Ivanovic !

1985, et une victoire à Reykjavik, au départage devant son vieil adversaire, Boris Spassky.

En 1986, à Londres, il finit dans les choux, dans un tournoi gagné par Glenn Flear, devant le gratin européen, bravo Glenn !

Les tournois s'espacent et Larsen est en quasi-retraite lorsqu'il gagna son dernier grand tournoi, à New-York, en 1990.

Sa partie contre Daniel King illustrait bien le style du danois, tranquille dans l'ouverture et talien dans le milieu du jeu !

Désormais "légende des échecs", Larsen, qui résidera désormais à Buenos-Aires, ville de quelques de ses exploits échiquéens, sera alors souvent invité dans des tournois de prestige, comme à celui de ...Buenos-Aires, en 1993, gagné par Gata Kamsky et où il se permettra de mater un certain Viktor Korchnoi !

Les Blancs jouent et matent.

Larsen, B (2540)-Korchnoi, V (2605), Buenos Aires 1993 (11), 1-0.

Journaliste itinérant, commentateur, conseiller, écrivain, avec Les coups de Maîtres aux Echecs,

que je conseille à tous les joueurs débutants ou non, Larsen gagnera son dernier tournoi à La Plata, en 1997 !

La partie du danois contre Spangenberg illustrait bien le style de Larsen, fait de créativité et de virtuosité tactique.

Bent Larsen, seul joueur occidental à avoir contesté la suprématie soviétique, avec Fischer, dans les années 60, restera l'homme des trois Interzonaux gagnés, un exploit peu commun à une époque où l'adversité à l'Est était féroce. Joueur créatif, peu orthodoxe dans les ouvertures, son jeu était souvent inventif dans le milieu de jeu, aimant bien pêcher en eaux troubles, exploitant sa grande capacité combinatoire. Sa combativité extrême en faisait un compétiteur redoutable, et Bent était une véritable terreur pour les joueurs un peu plus faibles, se permettant d'aligner les victoires avec une facilité déconcertante ! Tenant de Smyslov, dans les ouvertures, et de Tal, dans les milieux de jeu, le danois, néo-argentin, avait les faiblesses de ses forces. Si son jeu singulier voire exotique, surprenait souvent le Maître et le "petit" Grand-Maître, contre le TOP 20 mondial, les arabesques larsiennes passaient un peu moins bien, ce qui peut expliquer son incapacité à passer une demi-finale des candidats ou son score calamiteux contre un Spassky qui se faisait un plaisir de punir les frivolités du nordique, notamment cette fabuleuse partie à Belgrade, en 1970, entre l'URSS et le reste du Monde.

Il n'en restera pas moins que le joueur danois aura marqué l'histoire des Echecs, en donnant son nom à une ouverture, et qu'il aura, par sa longévité exceptionnelle, marqué la deuxième moitié du 20e siècle. De Mar del Plata, en 1958 à La Plata, en 1997, ce seront 40 années d'exploits à plus haut niveau !

Rest in peace, Bent !

Avant d'analyser avec le danois, testez-vous sur sa carrière échiquéenne en répondant à ce QUIZZ.




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